Dialogue en ligne et commentaires : la fin d’une utopie ?

Par Fabien Loszach, Fonds des Médias du Canada. Billet Invité
Cet article, publié sur FMC Veille, est présenté dans le cadre d’un partenariat éditorial entre le Fonds des Médias du Canada (FMC) et Méta-Media.
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Interaction en baisse entre les internautes et les marques, difficulté pour ces dernières à engager une conversation en ligne, fermeture des espaces de commentaires sur les sites de nouvelles… En 2016, l’utopie conversationnelle que promettait le Web social a de plus en plus de mal à répondre à ses promesses.

En décembre dernier, le Toronto Star a mis fin aux commentaires sur son site expliquant vouloir concentrer le lecteur sur ce qui compte vraiment : la lecture des contenus. Après Reuters,Popular Science, The Week, Re/code, The Daily Dot et le Toronto Sun, le quotidien torontois est le dernier d’une longue liste à supprimer cet espace de dialogue faute de débat constructif.

Les marques de leur côté ont un enjeu sensiblement différent : elles cherchent désespérément à parler aux consommateurs. Depuis presque dix ans maintenant, les chantres du marketing relationnel présentent Twitter et Facebook comme des plateformes de choix sur lesquelles il est important d’engager la conversation avec le consommateur. Mais là encore, la relation avec le grand public montre des signes d’essoufflement, et l’engagement est de moins en moins au rendez-vous.

L’utopie conversationnelle

Supprimer la section commentaires s’apparente à une forme de renoncement aux idéaux de l’Internet primitif. Un Internet dont Fred Turner a parfaitement analysé la généalogie dans son ouvrage Aux sources de l’utopie numérique et qu’il décrit comme l’incarnation triomphante des idées communalistes de la contre-culture californienne des années soixante.

Turner explique que l’Internet des débuts est encore pétri de culture libertaire et autonomiste, et entrevoit le réseau comme un espace véritablement démocratique qui met en situation d’égalité l’émetteur et le récepteur du message.

Contre les anciennes hiérarchies qui distinguaient auteurs et lecteurs, experts et profanes, institution et individu, marques et consommateurs, le réseau présente une vision égalitariste : les récepteurs du message y sont aussi les émetteurs.

Pour les éditeurs de contenu, Internet devait être l’outil par excellence de la démocratie participative. Il devait permettre de refonder le pacte lecteur-écrivain dans un nouveau média cocréé par les internautes et les journalistes.

Pour les entreprises, le web puis quelques années plus tard les réseaux sociaux s’accompagnaient aussi d’une promesse de proximité et de réactivité avec les consommateurs.

Au tournant des années 2010, les gourous du marketing social piochent aux sources de l’utopie numérique pour annoncer la révolution communicationnelle 2.0 — une révolution devant permettre de ne plus seulement envoyer un message (la vieille publicité verticale), mais d’interagir plus intimement avec le consommateur.

Cette utopie s’est matérialisée dans une sémantique propre qui nous paraît aujourd’hui bien désuète (communication 2.0, consom’acteurs, tribus numériques, etc.).

La fin des commentaires : « Ce que vous dites nuit à ce que j’écris »

Presque 25 ans après les débuts du Web, plusieurs éditeurs font un constat amer : en lieu et place de la démocratie participative, de plus en plus de médias sont confrontés à une forme persistante de confiscation de la parole citoyenne.

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