Le MAS, nouveau bras armé de l’innovation de Nice-Matin

Par Alexandre Bouniol, France Télévisions, MediaLab

Depuis 2015, Nice-Matin a entamé une profonde transformation numérique. Alors en proie à des difficultés économiques majeures, le quotidien a opté pour un virage à 180° pour s’imposer comme un média innovant à part entière. Dernier projet en date : le lancement du MAS en janvier dernier, le lieu d’innovation du journal.

Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Damien Allemand, chef du service digital de Nice-Matin et à l’initiative du MAS, qui nous a exposé la stratégie, les ambitions et les projets de ce tout nouveau lieu d’innovation.

4 axes de développement

Lancé en janvier 2019, le MAS est piloté par une cheffe de projet, Marjorie Roubaud-Lubrano accompagnée de deux consultantes. Mais l’ensemble des services de Nice-Matin est aussi investi à des degrés divers nous affirme Damien Allemand, qui insiste sur l'importance d'une bonne communication en interne « pour que ce lieu ne soit pas vu comme un espace concurrent et pour essayer d’acculturer les autres salaries à ce lieu-là, qu’ils se l’approprient, que ce soit un lieu de passage. C’est important d’avoir un lieu qui soit sur le chemin des gens quand ils vont au bureau, que ce ne soit pas enfermé […] et après faire venir des gens de l’extérieur. »

Son développement repose sur quatre axes stratégiques :

  • L’incubation de start-ups (Le Mas start-up), qui a pour vocation d’être « un accélérateur de business et de réussite pour les entrepreneurs et entreprises locales», comme avait pu le déclarer le PDG du groupe Jean-Marc Pastorino.
  • L’incubation de médias émergeants (Le MAS média) pour « inventer les journalistes de demain ».
  • Le MAS événement pour organiser des conférences sur l’innovation.
  • Le MAS formation pour former les entreprises locales à la transformation digitale et à la communication. Les formations sont dispensées par des professionnels de Nice-Matin et des intervenants extérieurs.

Double incubation, apports réciproques

Pour la première année du MAS, Nice-Matin a accueilli six start-ups au sein de ses locaux : Dibster, Bee shary, Deserve Mi, Time N’ Joy, Ready Park et Yöma Family. Ces start-ups ne développent pas des innovations technologiques, mais proposent toutes des services en usage. Pour Damien Allemand, même si elles n’ont pas de lien direct avec une activité médiatique, « les starts-ups sont en parfaite cohérence avec la ligne éditoriale de notre offre abonnés » avec « le lecteur au centre de l’offre abonnés ou sur du journalisme de solutions qui apporte des réponses concrètes aux problèmes des gens ». Par exemple, Dibster propose aux personnes qui ont eu des vols annulés ou retardés, de gérer les démarches administratives pour obtenir un dédommagement.

Le journal met à leurs dispositions gratuitement leurs locaux mais leur offre également la possibilité de « beta-tester » leurs services auprès de leur communauté de lecteurs dès qu’ils sont viables. Les start-ups promeuvent des méthodes de travail, basées sur l’horizontalité, l’agilité et l’entraide qui peuvent ouvrir les perspectives de travail nouvelles au sein du quotidien.


Nice-Matin a aussi accueilli cette année deux médias au sein de son incubateur : Switch On Paper, un site d’actualités décryptées par le prisme de l’art contemporain et Radio Nizza qui produit de l’information locale en italien via leur blog et un podcast. Par exemple, Radio Nizza permet au journal de toucher une communauté (les Italiens à Nice) qu’il n’atteignait pas et d’investir le terrain du podcast sur lequel Nice-Matin souhaite plus s’engager que ce n’est le cas actuellement. Damien Allemand parle même d’une « sorte de Nice-Matin en italien » ce qui souligne d’autant plus la complémentarité et les apports réciproques que ces médias peuvent s’offrir.

Un modèle économique à développer

Pour financer ce nouveau lieu d’innovation, Nice-Matin mise à la fois sur les branches événement et formation du MAS qui permettent d’engendrer des revenus, mais aussi sur des subventions. Privées, à travers différents fonds comme ceux dédiés à la presse de Google et publiques, octroyées par le ministère de la Culture. C’est fonds sont absolument nécessaires pour innover martèle Damien Allemand : « si je n’avais pas tous ces fonds, je n’aurais jamais pu mener tous ces projets ». C’est d’ailleurs grâce au fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse que le MAS a pu être lancé.

Le MAS prend également tout son sens économiquement parlant pour le journal. Pour Damien Allemand, « c’est une diversification claire » de l’activité du groupe. C’est ce qui permettra à terme de trouver un modèle économique viable :

« Il faut se diversifier. Aujourd’hui personne n’a trouvé le modèle clé. Le modèle clé sera une combinaison de solutions qui, toutes mises bout à bout, arriveront à pérenniser Nice-Matin. Le MAS fait partie de ces combinaisons de solutions à mettre autour de Nice-Matin. » - Damien Allemand

L’innovation permanente

Le lancement de ce lieu d’innovation s’inscrit dans un cadre plus global d’innovation du groupe. Depuis 2015, Nice-Matin a lancé une multitude de projets disruptifs :

  • Une rubrique dédiée au journalisme de solutions avec #MonJournal, rubrique dans laquelle les abonnés choisissent les dossiers traités par la rédaction.
  • Un chatbot expert de l’info local en 2017.
  • Kids-Matin, un média d’actualité destiné aux moins de 13 ans ; communauté qui a été inclue dès le début du projet dans une campagne de crowdfunding.

Le journal compte bien continuer sur cette voie-là et envisage des « chantiers de fond » en 2019, à commencer par la refonte du site internet et de l’offre abonnés.

« On essaie de bâtir un Netflix de l’info locale » nous confie Damien Allemand.

L’autre projet lancé en parallèle cette année est l’arrivée d’un robot-journaliste dans les locaux du quotidien, rendue possible grâce à un fonds Google européen. Il sera la pierre angulaire de l’automatisation de contenus, notamment des articles de faible valeur ajoutée comme la météo, qui permet de faire gagner du temps aux journalistes au desk. L’autre casquette du robot est le traitement de données ; il pourra envoyer des alertes aux journalistes afin de mettre en exergue une information pertinente.

« Le but sera de libérer du temps aux journalistes pour aller chercher des informations de meilleure qualité. » - Damien Allemand

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